Les voilà de retour. Au petit matin, sur la grève, ils s’affairent à nettoyer leurs filets. Leurs efforts de la nuit ont été vains. Rien. Ils n’ont rien pris. Tous ces gestes répétés selon l’art enseigné par leurs pères, avec cette application et ce savoir-faire acquis au fil des ans. Pourtant ils rentrent bredouilles, leurs barques alourdies de la seule fatigue, et en guise de récompense la corvée. Il y a de quoi se décourager. Où est l’erreur ? À qui la faute ? Changement climatique, épuisement des ressources, pollution… les explications viennent à l’esprit, mais aucune ne fournit de quoi pallier le manque à gagner. Il faut bien vivre, bon sang. Un type s’adresse à la foule. Encore un beau parleur, comme il y en a tant en période électorale. Mais son parler interpelle ceux qui sont venus à la criée. Et il s’empare du porte-voix des pêcheurs pour mieux se faire entendre. Quel est son propos ? Il est question de la crise (tiens donc !) et puis de ce qu’elle nous invite à visiter dans nos profondeurs. Charabia. Et pourtant quelque chose interpelle.
abondance des profondeurs (merci Jean)
C’est vrai, notre manière de vivre, la croissance sans fin dans un monde fini, même les mathématiques s’y refusent. Alors il faut oser écouter. Et comprendre qu’il s’agit de jeter les filets dans d’autres eaux. Celles qui sont à l’intérieur. Celles qui nous invitent à retrouver le sens des choses, les vrais besoins, en nous éloignant des principes obsolètes de la société de consommation. Difficile rupture. Mais il suffit qu’un seul entende l’appel pour transmettre le courage à ses amis. Et voilà qu’une expérience s’annonce, bouleversante. « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Mais puisque tu me dis de le faire, je jetterai les filets. » Après la nuit et ses errances s’annonce le jour des nouvelles évidences. Notre planète recèle suffisamment de ressources pour satisfaire les besoins de tous, mais elle n’en contient pas assez pour satisfaire l’avidité sans fin de quelques-uns. Cette prise de conscience pourrait nous conduire à la honte. Elle nous invite à dépasser nos peurs, pour fêter la vie et le respect de son abondance.
(libre adaptation de l’Evangile - Luc 5, 1-11)